Arnold Antonin, un cinéaste engagé au service de son pays

Par Guy Ferolus

Arnold Antonin, cinéaste haïtien de renom, a marqué l’histoire du cinéma haïtien avec une carrière longue et riche. Auteur de plusieurs œuvres cinématographiques emblématiques, il est surtout connu pour avoir réalisé en 1975 le premier long métrage documentaire haïtien, Haïti, le chemin de la liberté. Lors de son passage à Paris, le jeudi 3 octobre, il a accordé une interview à Haïti Inter où il est revenu sur son parcours artistique et son engagement envers la population haïtienne.

Depuis ses débuts, Arnold Antonin a su capturer les multiples facettes de la réalité haïtienne. Dans ses films, il explore des thématiques comme la politique et la culture de son pays, avec un regard unique et souvent critique. Lors de son entretien, il a évoqué l’urgence de protéger Haïti, une nation menacée non seulement par des crises politiques et sociales, mais aussi par une catastrophe écologique imminente.

Selon lui, Haïti est traversée par deux dynamiques contradictoires : d’un côté, une « folie destructrice » motivée par les prédateurs avides de pouvoir et d’argent, et de l’autre, une « folie créatrice » propre aux artistes et à ceux qui, malgré la précarité, continuent à créer de la beauté et à porter une vision positive de l’avenir. Cette dualité est au cœur de la fascination d’Antonin pour son pays, un lieu où le chaos et l’art cohabitent.

Cependant, au-delà des problématiques sécuritaires et politiques, Arnold Antonin lance un cri d’alarme pour Haïti, qu’il décrit comme étant au bord d’une catastrophe écologique. Il peint un tableau sombre de la situation environnementale du pays, rappelant que l’air est devenu irrespirable dans de nombreuses villes, que la mer est polluée et que les mangroves et les coraux sont en danger de disparition. Antonin avertit que ces phénomènes mettent non seulement en péril l’écosystème, mais aussi la survie de la population, en particulier celle qui vit sur les côtes, vulnérable face aux tsunamis et aux ouragans.

« Nous sommes en train de détruire notre terre, notre mer et notre air, des biens communs essentiels à la vie », s’alarme-t-il. Pour lui, le véritable enjeu dépasse les luttes politiques mesquines : il s’agit de protéger la terre et les ressources vitales qui appartiennent à tous les Haïtiens.

En parallèle de cette alerte écologique, Arnold Antonin a aussi évoqué son dernier film consacré à Anténor Firmin, un intellectuel et homme politique qui, selon lui, a montré qu’une autre Haïti est possible. Firmin a su, à son époque, restaurer une certaine stabilité économique et financière, tout en défendant avec fermeté la souveraineté d’Haïti face aux pressions extérieures. C’est à travers ces exemples historiques et culturels que le cinéaste trouve une lueur d’espoir pour l’avenir de son pays.

Malgré les difficultés et les tragédies personnelles qu’il a rencontrées — dont l’enlèvement de sa femme — Arnold Antonin reste profondément attaché à Haïti. « C’est un pays où l’on ne s’ennuie jamais », dit-il, rappelant que, pour un artiste, le chaos peut être une source d’inspiration, bien que la souffrance du peuple haïtien reste une réalité insupportable.

Arnold Antonin en appelle à l’unité nationale. Pour lui, l’heure n’est plus aux querelles politiques internes ou aux ambitions personnelles. Il est temps que les dirigeants haïtiens se concentrent sur la préservation du territoire et des ressources naturelles. « Il faut sortir de cette logique où chaque pas est calculé en fonction de ce que vont penser les Américains », affirme-t-il, prônant une prise de conscience collective pour sauver Haïti.

Ce témoignage du cinéaste est un appel à l’action, non seulement pour les Haïtiens à l’intérieur du pays, mais aussi pour ceux de la diaspora. Arnold Antonin, à travers son art et ses prises de position, continue de se battre pour une Haïti libre et durable, où les générations futures pourront vivre dignement.