Bélo : « Je suis un artiste atypique »

Reconnu pour son style musical unique, Bélo s’est confié à nous lors d’une interview exclusive au Salon du Livre Haïtien à Paris le 30 novembre 2024. Il a partagé les moments marquants de sa vie, depuis son enfance dans un Lakou jusqu’à son ascension sur la scène internationale. Bien plus qu’un simple artiste, il se définit comme un missionnaire, résolu à transmettre des messages de paix, d’espoir et de justice sociale à travers son art.

Né en 1979 et élevé dans un milieu modeste, Bélo, de son vrai nom Jean Belony Murat, a grandi au son de la musique traditionnelle haïtienne. Son père, houngan, l’a plongé dès son plus jeune âge dans cet univers de spiritualité et de rythme. « J’ai toujours su que j’étais un artiste, même enfant, » confie Bélo. À seulement 11 ans, il avait déjà conscience de sa mission : « Je suis un missionnaire. Ce n’est pas moi qui me définis comme artiste, c’est mon art qui me désigne comme tel. Je suis un artiste atypique  »

Influencé au début par des figures comme Buju Banton et le groupe Boukman Eksperyans, Bélo a développé un style musical unique, un mélange de reggae, de jazz et de sonorités haïtiennes, qui transcende les frontières culturelles.

Malgré son talent naturel, le chemin de Bélo vers la reconnaissance n’a pas été linéaire. Il attribue une grande partie de son succès à son frère aîné, Charlot Murat. « C’est lui qui m’a inscrit au Prix Découverte RFI. Il m’a préparé, il a cru en moi alors que j’étais dans l’insouciance. » Ce prix, remporté en 2006, a ouvert à Bélo les portes de la scène internationale, marquant le début de sa carrière au-delà des frontières haïtiennes.

Cependant, avant cette consécration, Bélo a dû affiner son art. L’un de ses mentors, Sanon Lamour, lui a fait comprendre l’importance de maîtriser un instrument : « Mes compositions étaient monotones. Apprendre la guitare a changé ma carrière. » Cet apprentissage a marqué un tournant, lui permettant de composer avec plus de profondeur et de nuance.

Les premières chansons de Bélo, comme Boom Nana et Diore, ont vu le jour grâce à des collaborations avec des amis d’enfance. Toutefois, c’est avec Diore qu’il a véritablement pris conscience de son potentiel artistique. En 2005, son premier album, Lakou Trankil, a été un témoignage fort de la situation socio-politique d’Haïti en 2004. « La division du pays, à la veille des 200 ans de notre indépendance, m’a inspiré cet album, » explique-t-il.

Pour Bélo, la musique est bien plus qu’un art : c’est un outil de sensibilisation et d’espoir. « Ma musique représente toutes les couleurs de mon pays, » déclare-t-il. Il croit fermement au pouvoir de l’art pour unir et éveiller les consciences. Lorsqu’il évoque les défis actuels d’Haïti, il insiste sur la nécessité d’une « prise de conscience collective ».

Sa vision humaniste s’enracine dans ses propres expériences. Enfant, Bélo se souvient des moqueries qu’il subissait lorsqu’il mentionnait que son père était cultivateur. « Cette inégalité qui existe depuis 200 ans doit cesser. Il est temps que nous prenions tous nos responsabilités pour changer les choses. »

Malgré les défis, Bélo reste optimiste. « Je fais de la musique sans effort, c’est un talent que Dieu m’a donné, » affirme-t-il avec humilité. Refusant de se limiter, il poursuit sa mission de transmettre un message d’espoir et de paix.

Bélo a non seulement partagé son parcours artistique mais a également réaffirmé son engagement envers Haïti.

En clôturant cet échange, Bélo a laissé transparaître l’essence même de son parcours : un engagement indéfectible envers la culture haïtienne et la justice sociale. À travers sa musique, il dépasse les frontières de l’art pour devenir un vecteur de transformation et d’espoir. Que ce soit sur scène ou dans ses réflexions, il rappelle que chaque individu a un rôle à jouer dans la construction d’un avenir meilleur pour Haïti. Avec une carrière guidée par sa passion et sa foi en l’humanité, Bélo incarne l’idée qu’un artiste peut aussi être un bâtisseur d’espoir et d’unité.

L’interview en vidéo: