Théâtre

« Port-au-Prince et sa douce nuit »: Entretien avec Lucie Berelowitsch

today1 avril 2025 35

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Dans « Port-au-Prince et sa douce nuit », la dramaturge haïtienne Gaëlle Bien-Aimé nous plonge dans l’intimité d’un couple, Zily et Ferah, qui oscille entre amour et rupture, au cœur d’une ville en proie à la violence. Sous la mise en scène de Lucie Berelowitsch, cette pièce, lauréate du Prix RFI Théâtre 2022, devient un chant poignant sur l’amour et l’attachement à une terre marquée par le chaos. Nous avons rencontré la metteuse en scène pour discuter de son approche et de sa relation avec ce texte.

« J’ai eu la grande chance dans ma vie de rencontrer des femmes très fortes avec lesquelles j’ai eu des coups de cœur artistiques et humains. Gaëlle Bien-Aimé en fait partie », confie Lucie Berelowitsch. La metteuse en scène s’est plongée dans l’univers de l’autrice par une mise en espace de cinq jours avec les acteurs Sonia Bony et Lawrence Davis. Une première immersion qui s’est faite par le biais de la musique : « J’ai demandé à Gaëlle de m’envoyer des chansons, les musiques qui l’avaient inspirée pour écrire. Nous avons commencé à échanger par ces sons, ces échos de Port-au-Prince. »

Ce texte, Lucie Berelowitsch l’a appréhendé de manière intuitive : « J’avais l’impression de le comprendre d’une manière intime. Chaque mot est tellement fort que je n’ai posé aucune question à Gaëlle sur la pièce. » Pourtant, n’étant jamais allée à Haïti, elle s’est interrogée sur la légitimité de porter cette histoire. « Gaëlle a balayé cette inquiétude d’un revers de main en voyant notre travail. Elle a reconnu son texte et ses personnages. »

Au-delà de la pièce, une relation forte s’est nouée entre la metteuse en scène et la dramaturge haïtienne. Ensemble, elles ont initié un projet artistique et solidaire pour faire venir de jeunes comédiens haïtiens en France, afin de leur offrir une formation et une expérience d’insertion. « Petit à petit, j’ai découvert toute une culture, un monde riche et vibrant, et aujourd’hui, je passe beaucoup de temps avec la littérature et la culture haïtiennes. »

Un texte à la fois ancré et universel

Ce qui bouleverse Lucie Berelowitsch dans « Port-au-Prince et sa douce nuit », c’est son ancrage profond dans la réalité haïtienne tout en étant universel. « La pièce pose des questions essentielles : comment aimer quand tout s’effondre autour de soi ? Comment concilier ses désirs et les réalités d’une ville en ruine ? Qu’est-ce que signifie partir, choisir, abandonner ou rester ? »

Ces interrogations trouvent un écho bien au-delà d’Haïti. « Une femme vénézuélienne qui travaille à l’accueil du Théâtre 14 m’a confiée que la pièce la bouleversait chaque soir, car elle lui rappelait sa propre histoire. »

Malgré la violence et le chaos, « Port-au-Prince et sa douce nuit » est aussi une déclaration d’amour à une ville autrefois joyeuse. « Gaëlle Bien-Aimé parle des rues, de leurs histoires, de la façon dont on fêtait la vie, dont on buvait une bière en musique, de la poésie qui infuse chaque coin de la ville », souligne Lucie Berelowitsch.

La pièce rappelle que même dans la tourmente, il existe des instants de beauté, de joie et de résistance. C’est ce fragile équilibre entre désastre et espoir qui fait toute la puissance de « Port-au-Prince et sa douce nuit ».

 

Écrit par Haïti Inter

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