Histoire

Gabriel Osson redonne vie au courage et au sacrifice des militants du mouvement Jeune Haïti.

today4 janvier 2025 121 1 3

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Gabriel Osson, écrivain et témoin direct d’une des pages les plus sombres de l’histoire d’Haïti, a grandi marqué par les atrocités perpétrées sous le régime de François Duvalier. En 1964, alors qu’il n’était encore qu’un écolier, Osson a été contraint, comme des milliers d’autres enfants, d’assister à l’exécution publique des militants du mouvement Jeune Haïti, Louis Drouin et Marcel Numa. Ce triste événement s’est déroulé devant le cimetière de Port-au-Prince, sous le prétexte fallacieux d’une leçon de « civisme » imposée par la dictature.

Dans son roman Le jour se lèvera, Gabriel Osson rend hommage aux membres du mouvement Jeune Haïti et à leur lutte pour la liberté. À travers cet ouvrage, il s’efforce de faire revivre l’histoire méconnue de ces jeunes militants et de dénoncer les horreurs qui ont marqué cette époque. Dans une interview qu’il nous a accordée, il partage ses souvenirs, ses analyses de la situation actuelle en Haïti, et répond à la question controversée : « Était-ce mieux sous Duvalier ? »

Un témoignage de l’horreur

Gabriel Osson se souvient avec douleur de cette période de sa vie. Lors des vacances passées à Jérémie, il a été témoin des événements tragiques entourant le débarquement des membres du mouvement Jeune Haïti. Il raconte la disparition brutale de jeunes avec qui il jouait la veille, le silence pesant des adultes et, plus tard, les révélations glaçantes : des familles entières, y compris des nourrissons et des grands-parents, avaient été exécutées par les soldats et les tristement célèbres Tontons Macoutes. Ces massacres étaient accompagnés d’actes de violence inouïs, notamment des viols perpétrés devant les membres des familles.

Pour Gabriel Osson, cette période était marquée par une violence systémique et une tentative délibérée d’effacer toute trace de rébellion. « L’histoire n’a jamais retenu tout ce qu’ils ont fait », regrette-t-il. En menant ses recherches pour son livre, il a découvert que peu de gens connaissaient l’existence de cette épopée ou osaient en parler, soulignant ainsi l’importance de préserver cette mémoire.

Une exécution transformée en spectacle

L’exécution de Louis Drouin et Marcel Numa a été orchestrée comme une mise en scène macabre. Tous les écoliers étaient obligés d’y assister, avec des listes de présence prises pour garantir la participation. L’ambiance, décrite par Osson comme une « fête foraine », était insoutenable : haut-parleurs diffusant de la musique, rangées d’enfants conduits devant le mur nord du cimetière de Port-au-Prince, et les tirs du peloton d’exécution retransmis à la radio. Bien que Gabriel, en tant que jeune enfant, ait été tenu à distance de la scène exacte, les bruits et l’atmosphère pesante de cette journée l’ont profondément marqué.

Pour Gabriel Osson, le sacrifice de ces jeunes militants pour leurs idéaux de liberté et de justice est d’autant plus tragique qu’il reste ignoré par une grande partie de la population haïtienne. « Vous ne trouverez dans aucun manuel aujourd’hui l’épopée de ces jeunes », déplore-t-il. Ce silence autour de leur combat renforce son engagement à faire connaître cette histoire, à la fois à travers son œuvre littéraire et ses prises de parole.

Était-ce mieux sous Duvalier ?

Face à ceux qui prétendent que le régime de Duvalier était synonyme de sécurité et de stabilité, Gabriel Osson réplique avec force. « La majorité de ceux qui disent cela n’étaient même pas nés sous Duvalier », affirme-t-il. Selon lui, cette nostalgie est souvent le fait de personnes âgées qui idéalisent une époque où la peur constante de la répression paralysait toute contestation. « La sécurité dont ils parlent n’était qu’une sécurité relative, imposée par la milice et l’armée », explique-t-il, soulignant que la population vivait dans la crainte permanente des arrestations et des exécutions arbitraires.

Avec Le jour se lèvera, Gabriel Osson ne se contente pas de raconter une histoire, il exhorte les haïtiens à ne pas oublier les horreurs du duvaliérisme. Ce devoir de mémoire est essentiel pour comprendre le passé et éviter que de telles atrocités ne se reproduisent. En racontant l’épopée tragique des militants du mouvement Jeune Haïti, Osson donne une voix à ceux qui ont sacrifié leur vie pour leur pays, et rappelle à tous l’importance de défendre la vérité et la justice, quelles que soient les circonstances.

Voir l’interview en vidéo:

Écrit par Haïti Inter

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