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Le direct Haiti Inter, l'expérience musicale
par Jean Marie Théodat
Le mot diaspora vient du grec ancien et signifie dispersion. La première diaspora historiquement constituée, c’est la diaspora juive, après la destruction du temple de Jérusalem par Titus en 70 après JC. Le concept de diaspora renvoie à la capacité d’un peuple à conserver dans l’exil sa culture (langue, religion, cuisine, coutumes) et cela convient bien pour parler des Haïtiens qui dans la distance et la longue durée ont su garder leur identité. Tous les émigrés ne constituent pas forcément une diaspora. Mais, à l’origine de toutes les diasporas, il y a une migration, une dispersion, volontaire ou subie.
Il y a environ 2 millions de personnes nées en Haïti qui vivent à l’étranger. Ce sont des migrants. Mais plus de 3,5 millions de personnes d’origine haïtienne dans le monde. Cela signifie que dans la diaspora, certaines personnes se définissent comme Haïtiens sans y être nées et parfois sans jamais y être allées.
La présence haïtienne dans le monde se caractérise par la diversité des pays d’accueil. La part la plus importante se trouve aux USA (plus d’un million), plus de 400 000 en République Dominicaine, plus de 200 000 au Québec, 200 000 au Chili, à peu près 100 000 en France, environ 20 000 répartis entre les Bahamas et les îles Turks et Caicos.
Compte tenu que les estimations évaluent à 11 millions la population totale du pays, cela veut dire qu’un peu plus d‘un habitant sur cinq, né en Haïti, vit hors du pays.
Un ancien pays d’immigration
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, Haïti est surtout un pays d’arrivée : Africains, Européens, dans le cadre de la colonisation, puis à partir des années 1880 des Levantins, mais aussi des Allemands, des Chinois et des Italiens venus faire des affaires dans les îles. Un contingent diffus de Martiniquais et de Guadeloupéens a fait également la traversée dans le cadre d’un univers francophone beaucoup plus lié qu’on le l’imagine.
A la fin du XIXe siècle il y a un point de bascule. Cela commence avec la fin de la guerre hispano-américaine à Cuba. Devenue indépendante, l’île est placée sous la coupe des USA et devient lieu d’immigration pour des coupeurs de canne Haïtiens dans le cadre du développement de l’économie sucrière. Plus d’un million de Cubains ont encore aujourd’hui des ascendances haïtiennes. Ce capitalisme agraire américain trouve à s’étendre en République Dominicaine au tournant des années d’Occupation américaine (1915-1934), et les Haïtiens sont allés en République Dominicaine pour couper la canne des grandes plantations à capitaux étrangers qui se sont créées dans ce pays au tournant des années 1900. Cela prend la forme de contrats annuels pour travailleurs saisonniers jusque dans les années 1990.
Jusqu’alors il s’agissait surtout de migrations saisonnières de paysans qui rentraient pour les travaux des champs. A partir des années 1960 le paradigme change. En 1957 François Duvalier prend le pouvoir. En 1964 il se fait proclamer président à vie. Dû à la répression politique les premiers exilés vont grossir les rangs de migrants vers les USA et l’Europe. Surtout des membres des élites intellectuelles dans un premier temps. Ce sont les plus récalcitrants à laisser s’établir un ordre dictatorial par la terreur. C’est aussi le moment des coopérants haïtiens allés en Afrique pour le compte des missions de formation et d’encadrement des jeunes nations africaines. Ainsi s’est établie une tradition de professeurs et techniciens haïtiens venus en Afrique exercée leur métier en lieu et place des anciens colons repartis vers leurs métropoles respectives.
Années 1970 : l’âge des boat people. Le poids démographique grandisssant, la répression politique et le déclin économique poussent au départ par vagues des clandestins : vers les Bahamas, les îles Turks et la Floride. C’est aussi l’époque des premiers départs vers La Martinique, la Guadeloupe et la Guyane française.
Années 1980 : L’émigration devient massive et tous azimuts. Vers les USA, le Canada, la République dominicaine et la France en particulier.
Années 2000 : une nouvelle vague de départ atterrit au Canada dont les besoins aigus en main-d’œuvre trouvent en Haïti une aire de chalandise idéalement pourvue. Pour le Québec en particulier qui préfère les migrants francophones et facilite leur intégration par le biais de programmes dédiés.
Après le séisme de 2010 de nouvelles destinations avec entrée en lice de l’Amérique du Sud. Brésil, Chili surtout. Plusieurs centaines de milliers de jeunes, souvent formés, quittent le pays en direction de ces deux pays d’Amérique du Sud pour lesquels jusque dans les années 2018 il n’y avait pas besoin de visa pour voyager.
Dans les années 2020, l’enfer de Darien voit passer des caravanes d’Haïtiens et d’Haïtiennes qui partent du cône Sud vers les USA quitte à traverser à pied les pays de l’isthme et le Mexique. Les Haïtiens pénètrent le trafic par le biais du Nicaragua, où ils peuvent se rendre sans visa, et de là-bas remontent l’isthme centre-américain direction les USA. Le programme mis en place par le président Biden a facilité l’entrée de plus de 150000 nouveaux migrants durant son mandat.
Rôle et statut
85% des Haïtiens titulaires d’un diplôme supérieur ou égal à un master vivent à l’étranger.
Les transferts annuels s’élèvent à 4 milliards de dollars par an. Soupape de sécurité pour les parents.
Sur le plan culturel, la diaspora joue un rôle de premier plan. Un grand nombre d’artistes, d’écrivains et d’intellectuels, parmi les plus actifs et les plus créatifs, vivent à l’étranger.
Les domaines où l’aide de la diaspora est déterminante sont nombreux : frais de scolarité, de santé, pour les évènements marquants de la vie (y compris les naissances). Sans diaspora point de salut.
Et pourtant la diaspora n’a aucun poids significatif pour peser ni sur la politique haïtienne ni sur la politique des pays où elle est installée. L’existence d’un ministère dédié et l’appellation « onzième département » ne change rien à la réalité : la diaspora n’a aucun poids sur le plan politique. Dans le pays natal, la place de la diaspora est un strapontin : elle n’est ni éligible ni électrice. La diaspora n’existe pas politiquement autrement que comme un tiroir-caisse que l’on utilise en cas de besoin. La double nationalité est un motif d’exclusion à certains postes de responsabilité.
La dynamique de regroupement en quartier communautaire facilite l’accès à certains services et entretient une sociabilité caractéristique dans certaines zones. Little Haiti, à Miami en est un bon exemple. Même si cette marque est de plus en plus diffuse, c’est là que se trouvent les églises, les restaurants et les lieux de sociabilité fréquentés par la communauté.
Ce regroupement géographique peut représenter à la fois un atout et un motif de stigmatisation. Ce fut le cas à Springfield dans l’Ohio en septembre 2024 quand les Haïtiens furent accusés de manger les animaux domestiques des Américains. Plus généralement et plus durablement, la diaspora est même sur la sellette dans certains pays. C’est le cas en République Dominicaine où la politique migratoire vis-à-vis d’Haïti est marquée par un afflux continu de clandestins d’une part et des expulsions quotidiennes, d’autre part, que les autorités dominicaines organisent en ayant recours à des moyens jugés brutaux. Ainsi, depuis le mois d’octobre la décision des autorités dominicaines d’expulser 10 000 Haïtiens par semaine a créé un émoi légitime au sein de la communauté des Haïtiens installés légalement dans le pays. Les déportations touchent parfois des personnes en situation légale. Les autorités haïtiennes assistent impuissantes à l’afflux des réfugiés dont certains portent la nationalité dominicaine mais ont été attrapés sur la couleur de leur peau. Les chasses aux migrants sans papiers deviennent des chasses à l’homme noir, et cela peut rappeler le massacre de 1937 où plus de 20 000 personnes ont été exécutées par ce qu’elles avaient « l‘air » haïtien.
Que faire ?
D’abord défendre les droits de nos compatriotes sur la base des droits de l’homme qui sont partout les mêmes. Mais dans le même temps, il nous faut préparer le retour, et cela par tous les moyens. Pour inverser la statistique des 85% des RH.
Il importe aussi de peser davantage dans les pays de résidence. Constituer des lobbies de compétences et d’argent pour influencer la politique étrangère.
Les Juifs ont attendu 2000 ans et ils étaient moins nombreux. Comme chez nous les racines sont profondes et nombreuses, l’espoir de retour nous habite. L’avenir nous appartient.
Écrit par Jean Marie Theodat
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