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Le direct Haiti Inter, l'expérience musicale
Par Guy Ferolus
L’écho de l’histoire résonne parfois dans des lieux insoupçonnés, révélant des liens improbables entre des événements en apparence distincts. La Tour Eiffel, joyau architectural de la France, ne fait pas exception à cette règle. Dans les méandres de son financement, une intrigue surprenante se dévoile, impliquant l’argent d’Haïti au XIXe siècle. Pour comprendre cette connexion intrigante, nous devons plonger dans le tumulte de l’histoire franco-haïtienne, une toile complexe tissée de politique, d’économie, et de conséquences à long terme.
La dette de l’Indépendance d’Haïti
L’année 1825 marque un tournant critique pour Haïti, nouvellement affranchi de la tutelle française. La France, cherchant à consolider sa propre économie et à compenser la perte de ses colonies, exige une somme exorbitante de 150 millions de francs or d’Haïti en échange de la reconnaissance de son indépendance. Cette somme, équivalant à une année de revenus de la colonie, est imposée sous la menace d’une invasion.
Le président haïtien de l’époque, Jean-Pierre Boyer, se trouve dos au mur. Contraint par un blocus maritime et la menace d’une flotte française armée, il signe un accord qui devait indemniser les anciens colons esclavagistes. Cette dette, paradoxale dans son essence, devait être remboursée en cinq annuités de 30 millions, grevant l’économie naissante d’Haïti.
La « double dette de l’Indépendance »
Le fardeau financier d’Haïti s’alourdit avec la mise en place d’un système bancaire complexe, où la France contrôle les finances du pays. Un premier emprunt de 30 millions, souscrit sur la place de Paris, est assorti d’un taux d’intérêt de 6% l’an. Les difficultés d’Haïti à rembourser cette dette conduisent à des mesures drastiques. Boyer déclare la dette nationale, imposant un lourd fardeau financier sur les masses paysannes, déjà éprouvées par les ravages du passé esclavagiste.
La « double dette de l’indépendance » émerge, représentant non seulement la dette envers la France pour indemniser les colons, mais aussi une dette envers les banquiers parisiens. Ce jeu financier complexe devient un boulet que la jeune nation haïtienne traînera pendant plus d’un siècle, entravant son développement économique.
La mainmise financière française
Au fil des décennies, la France maintient une mainmise financière sur Haïti. Les emprunts et les intérêts contractés auprès des banques françaises perdurent, créant une dépendance financière étouffante. La dette, au lieu de se résorber, se transforme en une spirale infernale, entravant tout espoir de prospérité.
En 1952, les paiements finaux sont enfin effectués, mettant fin à une période tumultueuse de l’histoire franco-haïtienne. Cependant, les cicatrices financières persistent, affectant profondément le destin d’Haïti et laissant un héritage de déséquilibre économique.
L’étrange liaison entre la banque CIC et la Tour Eiffel
Dans une révélation surprenante, le New York Times, en 2022, met en lumière le rôle étrange de la banque française CIC dans cette saga. À la fin du XIXe siècle, la CIC rapatrie les revenus de la jeune banque nationale haïtienne vers la France. Ces capitaux, destinés à soulager la dette haïtienne, sont détournés pour financer des projets en France, dont la construction emblématique de la Tour Eiffel.
Cette ironie cruelle souligne l’injustice historique, où l’argent destiné à Haïti contribue à ériger un symbole de la puissance française. Aujourd’hui, la Tour Eiffel, estimée à des milliards d’euros, témoigne de cette étrange liaison financière entre deux nations que tout semble opposer.
Un héritage complexifié et une dette morale non réparée
L’histoire du financement de la Tour Eiffel par l’argent d’Haïti nous rappelle la complexité des relations internationales et les conséquences durables des décisions politiques et économiques. Haïti, marquée par une dette injuste, a vu son destin économique étroitement lié à celui de la France. La construction de la Tour Eiffel devient ainsi un symbole paradoxal de l’asymétrie économique et du pouvoir financier.
En 2015, l’espoir d’une réparation financière est évoqué par le président français François Hollande, mais il se dissipe rapidement. L’entourage présidentiel clarifie qu’il s’agit d’une « dette morale » plutôt que d’une obligation financière. Haïti reste ainsi seule, portant le poids d’une histoire complexifiée et d’une dette morale non résolue.
Écrit par Guy Ferolus
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