Société

Vaudou : rites, rituels et sacrifices

today31 octobre 2019 12755 2 14 5

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Si pour certains, le vaudou haïtien n’évoque que des scènes de frénésie mystique, pour d’autres (occidentaux en mal d’exotisme), il s’agit d’un aimable folklore champêtre, à peine assaisonné de poivre africain.

Au fait, qu’est-ce que le vaudou haïtien ? En quoi est-il l’expression la plus naturelle d’une spiritualité toute haïtienne ?

Vaudou et christianisme

Pendant longtemps le vaudou a vécu dans une grande promiscuité avec le catholicisme. Assister aux cérémonies du hounfor et aller à la messe catholique était une pratique assez courante dans les familles haïtiennes. On n’opposait pas une religion à une autre. Après avoir vécu côte à côte pendant plus de deux siècles, catholicisme et cultes vaudous ont fini par se mêler dans une conception de l’univers où le Bon Dieu, le Christ, la Vierge, les Saints et les lwa font assez bon ménage.

Jusqu’au moment où le clergé catholique décide de mettre fin à ce syncrétisme, les vaudouisants n’étaient guère troublés par leur double allégeance. D’ailleurs le rituel vaudou a fait de larges emprunts à la liturgie catholique. Il est de règle que la plupart des services adressés aux dieux vaudous soient précédés d’actions de grâce, devant un autel dressé sous un dais de dentelles et couvert d’images et de cierges ; le prêtre (houngan) et la prêtresse (mambo) entourés de leurs acolytes récitent des prières liturgiques suivis de cantiques à la Vierge et aux Saints.

Les dieux du vaudou

Dans le vaudou haïtien les dieux (lwa) sont souvent représentés par des saints catholiques. Damballah-Ouèdo, le dieu-serpent, est identifié à saint Patrick. En sa qualité de dieu-couleuvre, Damballah se tient de préférence dans les sources, les étangs ou les mares dont il est le gardien. Ainsi que sa femme, Aïda-ouèdo, il est assimilé à l’arc-en-ciel qui, selon la cosmogonie vaudou, ne serait qu’un serpent céleste.

Saint Jacques-le-Majeur, qui apparaît dans l’iconographie chrétienne sous les traits d’un guerrier casqué et cuirassé, est devenu Ogou-ferraille, génie du fer et de la guerre.

Legba a les traits d’un vieillard boiteux appuyé sur une béquille et qui marche en clopinant. Il n’en est pas moins une divinité en sa qualité de maître de la barrière mystique qui sépare les mondes divin et profane. Pour que les fidèles puissent invoquer les autres lwa, il faut que Legba ouvre la barrière.

Gardien des portes et des clôtures terrestres, il est aussi le protecteur des foyers et le dieu qui veille sur les routes et les sentiers. Sous le nom de « Maître Carrefour », il reçoit les prières et les sacrifices des initiés qui se rendent aux croisées de chemins pour se livrer aux mystères de leur art.

La mer, sa faune et sa flore, les bateaux qui la sillonnent ainsi que ceux qui vivent de ses ressources sont placés sous la juridiction d’Agoué-taroyo. On l’invoque sous le nom de « Coquille de mer », « Anguille » ou « Têtard de l’Étang ». Il a pour emblèmes des navires en miniature, des avirons peints en bleu ou vert, des coquilles ou des madrépores et parfois aussi de petits poissons en métal.

Les fêtes d’Agoué se déroulent sur le rivage où l’on apporte en procession le bateau qui le symbolise. Les mets dont il est friand et ses boissons préférées (le champagne notamment) sont placés sur un bac — étagère à compartiments superposés peinte en bleu et décorée de motifs marins.

Les champs et les travaux agricoles sont du ressort de Zaka, « ministre de l’agriculture » du monde des dieux. Divinité paysanne par excellence, il doit être abordé comme un voisin de campagne et familièrement appelé « cousin ». Il est toujours vêtu à la mode paysanne : chapeau de paille, blouse en gros bleu, macoute (sacoche) en bandoulière, pipe au bec. Par le caractère aussi, Zaka est un vrai « habitant » des mornes : il est méfiant, âpre au gain, ami de la chicane et il déteste les gens de la ville.

Ezili-Freda a souvent été rapprochée d’Aphrodite. Tout comme la déesse grecque, Ezili appartient au groupe des dieux marins, mais elle s’est entièrement dégagée de son milieu d’origine et est devenue presque exclusivement une personnification de la beauté et de la grâce féminines. D’une femme jolie et gâtée, elle a aussi presque tous les défauts : elle est coquette, sensuelle, avide de luxe et de plaisir, dépensière jusqu’à l’extravagance. Dans chaque sanctuaire une chambre est consacrée à Ezili. On y garde ses robes roses et blanches, ses bijoux, et sur une coiffeuse l’attendent cuvette, serviette de toilette, savon, peigne, rouge à lèvres, brosse à ongles et cure-ongles.

On croit qu’il est des catégories de dieux qui répondent volontiers aux sollicitations des magiciens et qui se font de bon gré les instruments des vengeances secrètes. Marinette-bwa-chèch, Ti Jan pye chèch, Ezili-jé-rouge, sont parmi les plus fameux de ces  « lwa cruels ». Les autres agents de la magie sont les morts, mais ils ne peuvent se convertir en serviteurs des sorciers que si Baron-Samedi, Baron-Cimetière ou Baron-la-Croix consentent à les livrer.

L’épouse de Baron-Samedi, Manman Brigitte, a, elle aussi, autorité sur les cimetières, en particulier sur ceux où la première personne enterrée a été une femme. De nombreux dieux de la famille des Guédé sont nés de l’union de cette divinité avec Baron-Samedi. Ce sont : Général Jean-Baptiste-tracé, qui « trace » le pourtour des tombes ; Général Fouillé, qui « fouille » (creuse) les tombes ; Guédé nibo, Guédé-vi, Brave Guédé, Papa Guédé et bien d’autres aux noms tout aussi suggestifs. Tous ces personnages surnaturels sont associés de près ou de loin à la mort et à ses rites. La plupart de ces dieux funèbres peuvent se montrer facétieux et parfois obscènes lors des défilés de la fête des morts les 1er et 2 novembre.

Si aucune région particulière de l’univers n’est assignée aux dieux et aux génies du vaudou comme lieu de séjour, ils fréquentent les montagnes, les rochers, les cavernes, les sources et les mares. Beaucoup vivent au fond des rivières ou dans les abîmes de la mer. Les houngans et les mambos vont leur rendre visite pour en revenir chargés de pouvoirs nouveaux. Les « mystères » sont également présents dans les « arbres-reposoirs » qui s’élèvent autour des sanctuaires et des habitations rurales. Les gros mapous atteignent parfois des dimensions colossales et doivent à leur taille et à l’impression de puissance qu’ils éveillent d’être l’objet d’un culte qui a survécu à toutes les persécutions des catholiques d’hier et des protestants d’aujourd’hui. Les initiés leur apportent des offrandes, accrochent des tissus à leurs branches et font brûler des cierges à leur pied.

Organisation du culte

Les initiés du vaudou sont regroupés en « sociétés » qui ont pour centre un sanctuaire appelé hounfor. Celui-ci appartient à un prêtre (houngan) ou à une prêtresse (manbo) qui dirige les cérémonies et sert d’intermédiaire entre les croyants et les puissances surnaturelles. Les prêtres sont assistés par des hounsi, « serviteurs » ou « servantes des dieux », qui les aident dans leurs fonctions et constituent à la fois le corps de ballet et le chœur du sanctuaire. Ces hounsi se recrutent parmi les kanzo, c’est-à-dire parmi les personnes qui ont passé par tous les rites d’initiation.

Les sacrifices

Le point culminant des rites vaudous, comme dans la plupart des grandes religions est le sacrifice sanglant. Lors des grandes cérémonies on immole des boucs et des taureaux. Ceux-ci sont habillés d’une housse en soie et en velours et portent, en guise de coiffure, un foulard noué à la racine des cornes. Ces parures sont de la couleur symbolique du dieu auquel la victime est dédiée. Le terrible spectacle de la mise à mort des animaux peut choquer tous ceux qui aujourd’hui placent le bien être animal comme un facteur moral important dans nos rapports avec le vivant.

Loin d’être un ensemble de croyances et de pratiques folkloriques et pittoresques, le vaudou est une religion d’une singulière complexité qui n’a rien perdu de sa force créatrice. Malgré les attaques et les discriminations dont elle fait constamment l’objet, cette religion reste intimement liée à l’âme haïtienne. Ses adeptes ne cessent de l’enrichir d’apports nouveaux, tant dans le domaine de la liturgie que dans celui de la mythologie.

Écrit par Guy Ferolus

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